Mars 2021

24mars(mars 24)12 h 00 min30mai(mai 30)18 h 00 minLa Part visible / Albert DadasNathalie Amand / Phillipe HerbetCatégorie:ExpositionRégion:Bruxelles

Nathalie Amand ou le derrière du visible…

Née en 1968, Nathalie Amand est professeure à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai. Elle a publié à l’occasion de la dernière biennale de photographie en Condroz sa première monographie, Parêtre, aux éditions Yellow Now (série Angles vifs, 2019), et expose pour la première fois chez Contretype: plus qu’une synthèse ou une rétrospective de son travail, une diagonale retorse et stimulante à travers trente ans d’obsessions, de questions, d’émerveillements. Pratiquant l’argentique et le moyen voire le grand format depuis toujours, la photographe a très tôt manifesté une prédilection pour les mises en scène et la prise de vue en studio. Envisageant la nature humaine dans ses recoins les plus intimes (rapport du corps à l’espace et au temps, pudeur et identité, finitude et absurdité), elle convoque en les rejouant, en les détournant, en les malmenant parfois, les genres les plus établis de la peinture ou du dessin: nu et portrait, paysage et nature morte, détails et vanités. Encore le jeu sur ce qui est vu et ce qui est tu — ou invisible — est-il chez elle faussement classique, plus complexe qu’il n’y paraît. Si l’aspect esthétique et la sensualité (des peaux, des matières, des textures, des choses) occupent une part prépondérante dans sa recherche, ce que Nathalie Amand questionne avant tout c’est le regard du spectateur: sa position et son attitude face à ce qui est dévoilé, et qui tantôt s’échappe en un flou de bougé, tantôt s’affiche avec excès, à d’autres moments nous renvoie à nos propres peurs ou à nos besoins d’évasion, d’interprétation, d’imaginaire, de légèreté. Part visible ou mystérieuse, part des anges (cet alcool capiteux qui s’évapore du vin) ou part du diable, part de l’oeil ou part maudite, tout chez la photographe bataille et louvoie, hésite et résiste; entre ciel et terre, entre le pur et l’impur, entre le délicat et le sulfureux. La beauté des choses est souvent inséparable de leur fragilité, chaque lumière a son revers de noirceur; la présence passe par le fait de tourner le dos, voir le réel implique de fermer les yeux… C’est qu’il s’agit là de vérités contradictoires, plus intérieures que démontrables, et moins encore démonstratives. Dans la cosmogonie intime d’Amand, la grande soif d’absolu passe par les petites choses, que l’approche photographique ne se contente pas de constater mais qu’elle dépasse, envisage autrement, transforme, transcende; et les plus insignifiantes et délicates, sans gratter trop loin dans le songe ou la métaphysique, invitent à une forme de recueillement, d’élévation, de méditation… Le sacré? Peut-être bien, oui; mais son contraire, tout autant. Terrestre et incarné, trivial s’il le faut. Et si les références abondent (au boudoir fétichiste et au studio du XIXe, pour les «Hommages licencieux»; aux surréalistes, Ernst en tête, pour les collages et assemblages; à d’autres grandes figures pour le paysage et la nature morte…), c’est finalement pour tendre à l’épure, au dépouillement sans détour, à l’essence d’un mystère — et finalement à une absence, essentielle, plus difficile encore à nommer qu’à montrer ou à cacher.

Emmanuel d’Autreppe, janvier 2021

www.nathalie-amand.fr 

© Nathalie AMAND, Hommage licencieux n°223, 2016, 12,5 x 10 cm, Courtesy Box Galerie, Bruxelles.


Dis-moi qui tu hantes…

Qui fut — ou qui est — Albert Dadas? Peut-être un énigmatique voyageur, l’un des premiers «dromomanes» diagnostiqués à la fin du XIXe siècle: en cette période des nations et des frontières, zébrée par les vagabondages en tous genres, ce modeste employé du gaz bordelais est atteint d’un «automatisme ambulatoire» qui le mène, longuement ou brièvement, de Valenciennes à Moscou (via Liège!), de Prague à Varsovie, de Berlin à Minsk. Un aventureux plus qu’un aventurier, qui trébuche et se relève, d’une main laisse des traces, de l’autre les efface. Qui est — ou qui fut — Philippe Herbet?  Peut-être un artiste itinérant, prétendument né à Istanbul en 1964. Il photographie, écrit beaucoup —dessine un peu, depuis quelque temps. Lui aussi sait l’art de la fugue: les siennes l’ont souvent mené vers l’Est (Russie ou Biélorussie) ou aux portes de l’Orient (Turquie, Arménie, républiques du Caucase); elles ont régulièrement déjà donné lieu à des publications en volume, mêlant volontiers texte et image. Se pourrait-il que ces deux-là ne fassent qu’un (et, ajouterait le moraliste anglais, si oui, lequel)? Herbet-Dadas, c’est tout un; ou du moins cela a-t-il tendu à le devenir. Car dans cette histoire de duo comme dans toutes, qui s’empare de qui, en définitive? Enquête ou délire, souvenir et projection, dérive et obsession, fiction personnelle et documentaire vanachronique, le projet «Dadas» mêle en cours de route, et depuis bientôt cinq ans, photos d’époque et d’aujourd’hui, textes d’époque et d’aujourd’hui, guides touristiques ou témoignages spirites… signes, humeurs, réminiscences, scories. Les trajectoires s’emmêlent, les ncoïncidences se multiplient, de fulgurances en disparitions. À rebours de lui-même, et des terrains familiers sur lesquels on croyait pouvoir l’attendre, Philippe Herbet partage une tentative qui n’est pas sans risque: quelque part entre la mise à nu et la dissolution complète de soi, une quête historique tout autant que spirituelle et psychologique, un voyage beaucoup plus intérieur que ses précédents. En temps de pose long, ses images mises en scène sont des autoportraits sans l’être: «Je suis son fantôme et il est le mien; je suis dans le cadre, à la fois son acteur et le mien.» Et si la beauté des femmes continue de jalonner et d’aimanter les déambulations méandreuses ou statiques du photographe, elle se fond à présent dans les tapisseries fanées, les paysages incertains, les photos déjà presque effacées — la neige blanche, les heures bleues… La «disparition de soi» et la liberté de mouvement (des êtres, des peuples) ne sont-elles pas, par ailleurs, des problématiques très actuelles — autrement dit, tout autant tournées vers le passé que vers l’avenir? Qui sait: voilà Herbet et Dadas reliés dans l’espace, et rattrapés par le temps.  Par eux-mêmes.

Emmanuel d’Autreppe, janvier 2021

Herbet-Dadas: le livre est coédité par Contretype (Bruxelles) et L’image sans nom (Liège).

www.herbet.me 

© Philippe HERBET, série Albert Dadas, 2015-2019, 24 x 30 cm, Courtesy Galerie Cerami, Charleroi.


Ouvert du mercredi au vendredi de 12 à 18h, samedi et dimanche de 13 à 18h (sauf jours fériés), dans le respect des mesures
sanitaires et de distanciation physique.
Entrée libre, sans réservation. Masque obligatoire.

Lieu

Contretype

Cité Fontainas, 4A 1060 Saint-Gilles

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